Présentation

Vous êtes ici : Accueil > Présentation

Le projet "TUBA" (IDEX-ATS)

Il s’agit d’un programme de recherches (Workshop, work packages, colloque, rapport et préconisations, publications) - pluridisciplinaires (Droit, Economie, Santé) relatives à l’action publique dans le domaine de la valorisation, par l’action publique, des collections de ressources biologiques (tumeurs, tissus et cellules) en cancérologie.
Les ressources biologiques liées au cancer (tumeurs, sérums, cellules et les données personnelles associées) utilisées en thérapie et en recherche (appliquée ou fondamentale) constituent-elles un « patrimoine » ? Sont-elles des « biens », pour la personne qui en est la source, pour les créateurs et gestionnaires de leur conservation, pour les personnes morales qui les emploient, notamment publiques ? Pour la puissance publique (qui en finance grandement l’usage), est-ce une forme de « patrimoine public » ? La puissance publique doit elle, peut-elle, intervenir dans la régulation des tumorothèques ?

Il s’agit de prendre la mesure des incertitudes juridiques et économiques qui pèsent sur le recueil, le stockage, la mise à disposition et la valorisation économique de ces matériaux (échantillons biologiques et données personnelles associées). En effet, les acteurs publics, parapublics et privés, dans le domaine du soin et de la recherche en cancérologie, disposent de collections qui bénéficient de forts financements publics et sociaux alors même qu’elles peuvent, sous certaines conditions, représenter aussi, particulièrement dans la perspective de mises en réseaux (parfois impulsés par la puissance publique), des biens économiques et des ressources scientifiques majeures. Il pèse sur le développement de cette valorisation un certain nombre d’incertitudes et de contraintes institutionnelles :

- juridiques (volonté de la personne prélevée, extra-patrimonialité, liberté de constitution des collections, compétence pour décider de leur utilisation, montages juridiques pour leur distribution, revendications de retour sur investissement des institutions publiques, notamment en termes de propriété industrielle et intellectuelle).

- autant que des contraintes économiques (coût de constitution et de fonctionnement des Centres de ressources biologiques, destruction de la ressource, émergence d’un marché, partage des bénéfices, …).

- et des choix de santé publique : priorisation des actions thérapeutiques sur la recherche, en essais thérapeutiques ou fondamentale, conservation de la ressource, valorisation scientifique et non mercantile des collections. Cela implique l’étude de l’efficacité économique du système actuel, dans un cadre juridique morcelé et mal perçu par les acteurs nationaux comme internationaux.

 

Les thèmes de la constitution, de la patrimonialisation, de la valorisation et du partage de ces ressources, méritent donc qu’on s’interroge sur les pratiques existantes, sur leur évolution et sur les leviers dont disposent les acteurs publics (incitation, réglementation, régulation) dans un contexte où les normes naissent des pratiques professionnelles et se généralisent par des réseaux collaboratifs.

Retour sur investissement en termes de propriété industrielle et intellectuelle. Entre le prélèvement et essai clinique (trente minutes pour congélation).

 

Le site toulousain présente une acuité particulière qui justifie qu’il serve de cas d’étude. Outre divers réseaux dont les collections locales sont partenaires (CHU, Centre de lutte contre le cancer Claudius Regaud, Laboratoires Pierre Fabre), comme le Cancéropôle GSO, la réunion sur le site de l’Oncopôle (IUC) des différents Centres de ressources biologiques (CRB) du CHU et de l’ICR, crée l’occasion de réfléchir à une gouvernance publique renouvelée (locale et nationale).

 

Les ressources biologiques liées au cancer (tumeurs, sérums, cellules et les données personnelles associées) utilisées en thérapie et en recherche (appliquée ou fondamentale) constituent-elles un « patrimoine » ? Sont-elles des « biens », pour la personne qui en est la source, pour les créateurs et gestionnaires de leur conservation, pour les personnes morales qui les emploient, notamment publiques ? Pour la puissance publique (qui en finance grandement l’usage), est-ce une forme de « patrimoine public » ? La puissance publique doit-elle, peut-elle, intervenir dans la régulation des tumorothèques ?

Ces questions ne trouvent pas une réponse unanime et aisée, mais l’intérêt public pour les collections de matériaux humains et données associées dans le domaine du cancer s’accroît incontestablement (forte volonté politique issue du Plan cancer). Cette incertitude trouve son origine à la fois dans les débats liés au statut juridique de la tumeur et dans le modèle économique aujourd’hui dominant dans leur gestion. Tous deux sont appelés à évoluer, à la fois sous la pression de modèles concurrents, notamment américain, qui facilitent le stockage et le partage (à titre onéreux le plus souvent) et en fonction de la nécessité d’assurer la pérennisation et la mise en réseau des collections.

 

Ainsi, la question d’une « régulation publique » de ces collections se pose. Celle-ci peut commencer par l’incitation à la création et à la structuration des tumorothèques, peut se poursuivre par l’affectation unilatérale des collections financées sur fonds publics et peut aller même jusqu’à une intervention de la puissance publique sous forme de captation publique de ces ressources dans l’intérêt de la recherche soutenue par les acteurs publics ou en vue de cession pour financer les traitements des patients.

 

La littérature scientifique, tant en droit qu’en économie, qu’il s’agisse de gouvernance, de droit médical, de droit patrimonial, de marché des produits de santé, tient encore peu compte de ces spécificités. Il apparaît dès lors nécessaire de les interroger selon deux axes de travail qui montreront les implications économiques de choix éthiques (par ex. place du patient comme « personne ressource ») et de gouvernance dans le domaine de la santé (structuration des acteurs de la cancérologie, tant au plan local que national ou européen) :

 

Axe 1. Action publique et incertitudes dans la constitution des tumorothèques

 

Cet axe a pour objet de clarifier les débats d’ordre juridique et économique qui régissent les collections, notamment de tumeurs.

Ces collections sont constituées de tumeurs cancéreuses, d’ADN, de cellules et sérums, mais surtout des données personnelles collectées dans le cadre des protocoles de soin ou de recherche (biographie du patient, pathologies associées, réactivité aux traitements, profil génétique, données biologiques, imagerie …) ; elles constituent une ressource majeure pour l’élaboration du traitement des patients concernés, pour la recherche dans le domaine de l’oncologie (développement de nouveaux biomarqueurs par ex.) par l’établissement détenteur de la collection lui-même ou par un tiers. Elles peuvent faire aussi l’objet, après codage, voire anonymisation complète, de cessions à titre onéreux et constituer à terme une source de financement pour les institutions détentrices ou leurs partenaires, à condition de respecter certaines exigences techniques standardisées et certifiées, et de présenter un intérêt scientifique (banques spécialisées dans différents types de cancers).

Une difficulté vient de ce que les droits européens, sur le modèle français, traitent distinctement et assez différemment, d’une part l’élément biologique matériel prélevé sur le patient (« échantillon », dont le régime valorise le consentement et l’intérêt objectif du patient) et, d’autre part, les données personnelles informatisées associées (données dites « sensibles », car elles touchent à l’état de santé et présentent une dimension génétique). Ce sont ensuite différentes hypothèses qui s’ouvrent selon que le patient est vivant ou décédé, que la collection ait été anonymisée ou non, c’est-à-dire au fur et à mesure de l’éloignement qui se crée entre le donneur de la ressource et l’institution qui constitue la collection en y apportant de plus en plus de valeur ajoutée et en l’affectant à une autre finalité que le soin du patient-ressource. Ces collections ont d’ailleurs une temporalité particulière : l’intérêt d’une conservation sur le long terme, permet, par exemple, d’accumuler des données relatives à l’évolution du patient.

 

Axe 2. Action publique et incertitudes dans la patrimonialisation des tumorothèques

 

Cet axe doit clarifier les débats d’ordre juridique et économique et, peut-être apporter de nouvelles perspectives à la régulation des collections. Une véritable politique publique de l’accès à la ressource que constituent les biobanques pourrait répondre aux défis lancés par la constitution de marchés internationaux, lorsqu’il s’agit de cession, et plus généralement une éthique du partage de la ressource. L’intervention publique pourrait aider ou susciter une double valorisation des collections, par l’incitation à la constitution de collections d’intérêt public (mise en réseau organisée par les politiques publiques, ex. Inserm), par l’affectation d’office des collections (onéreuse ou non, unilatérale ou contractuelle, pour la recherche publique ou privée). Le rapprochement des collections de l’Oncopôle de Toulouse pourrait ainsi être l’occasion de tester d’autres modes de gestion de la ressource.

 

Les contraintes qui pèsent sur la création de « catalogues » accessibles et stables pourraient être étudiées et faire l’objet de propositions.

 

Méthodologie

 

-         L’approche pluridisciplinaire du projet nécessite d’abord une phase, déjà bien amorcée, de discussions portant sur les différentes représentations de l’objet original que constitue les collections de recherche dans le cadre du cancer pour les disciplines du droit, celles de l’économie, des politiques publiques de santé. Ces représentations doivent être confrontées aux expériences et pratiques des personnes qui établissent et gèrent ces collections.

-         Chaque champ de savoir aura ensuite ses méthodes spécifiques pour analyser les questions relatives à l’intervention publique dans ce domaine :

o   Les juristes travaillent à partir des textes juridiques, de la jurisprudence et de la doctrine. Ils confrontent ces « sources » à la pratique des acteurs et les appliquent dans des « cas difficiles » rencontrés par ces acteurs. Ils établissent ainsi autant le cadre juridique « normal » que les éléments « pathologiques », irrespect de la loi, pratiques frauduleuses ou stratégies de contournement de la norme, pratiques contentieuses. Ils confronteront les acquis de différentes « écoles de pensée » (droit privé des personnes, droit privé des affaires, droit des libertés publiques, droit public des affaires, droit de la santé).

o   Les économistes disposent de différents modèles de description et de prévision (macro et micro) qui devront être adaptés à l’objet spécial que sont les tumorothèques. Des vacations permettront de rémunérer un travail de collecte de données sur le site de Toulouse et dans d’autres systèmes.

o   L’ensemble de ces approches seront alimentées et discutées par les pratiques des gestionnaires de collection de l’Inserm, du Centre hospitalier et du Centre de lutte contre le cancer mais aussi par les juristes qui sécurisent ces collections. Les laboratoires Pierre Fabre ont manifesté leur intérêt pour le projet.

o   La synthèse effectuée sera le fruit d’une réflexion supplémentaire et comportera des préconisations quant à l’intervention publique.

Xavier BIOY                                                       
Professeur de Droit Public                                
Directeur de l'Institut Maurice Hauriou 

En appuyant sur le bouton "j'accepte" vous nous autorisez à déposer des cookies afin de mesurer l'audience de notre site. Ces données sont à notre seul usage et ne sont pas communiquées.
Consultez notre politique relative aux cookies