Spatial : les entreprises s’envoient en l’air
Longtemps chasse gardée des États, l’espace est devenu terrain de jeu de nouveaux acteurs privés. La chaire Sirius, créée à Toulouse en partenariat avec les grands industriels européens, étudie cette mutation radicale, son contexte juridique et ses implications managériales.
Photo

Au Salon du Bourget de 2015, Google a commandé 900 satellites. C’est un symbole des profondes mutations qui touchent aujourd’hui le secteur spatial. L’industrie était dominée jusqu’il y a peu par la commande publique. Désormais les acteurs privés interviennent massivement. Des milliardaires comme Elon Musk et Jeff Bezos rivalisent pour préparer le développement du tourisme spatial. On l’a vu au mois de novembre 2015 avec le retour sur terre de la première fusée réutilisable. Déjà, les applications commerciales liées aux activités spatiales génèrent un chiffre d’affaire de 100 milliards de dollars, plus élevé que le chiffre d’affaires de l’industrie automobile.

On peut comparer ces bouleversements à ceux qu’a connus le secteur des télécommunications dans les années 90, avec l’émergence de la téléphonie à bas coûts et d’acteurs privés dont certains sont devenus des géants. Ces bouleversements génèrent, de la même manière, de nombreuses questions. Quels nouveaux business model dans cet univers devenu très concurrentiel ? Quel financement des jeunes pousses ? Quelles évolutions du cadre juridique ?

Pour les industriels du secteur qui conçoivent lanceurs et satellites, ainsi que pour les très nombreuses PME associées à cette expansion, mieux comprendre ces évolutions est un enjeu majeur.
 
Une expertise toulousaine

C’est pour répondre à certaines de ces interrogations que la chaire Sirius a été créée en 2014 à Toulouse. Il s’agit d’un partenariat entre des acteurs majeurs du secteur spatial tels que Thalès Alenia Space, Airbus Defence and Space, et le Centre National d’Études Spatiales, tous implantés dans la région toulousaine, au sein de l’Aerospace Valley. Ce pôle d’activité regroupe la moitié des effectifs français du secteur, et des acteurs académiques comme l’Université Toulouse Capitole et la Toulouse Business School.

« L’objectif est de développer des recherches communes sur des sujets qui posent question aux industriels, avec une production intellectuelle sous forme de séminaires, d’articles de recherche, de thèses de doctorat, de colloques,… » explique Lucien Rapp, professeur de droit public à l’université et directeur scientifique de la chaire Sirius.

Toulouse dispose d’une excellence académique en matière de droit de l’espace et de gestion de ces industries. Pour les entreprises, la chaire Sirius est un moyen de mener une veille sur des sujets stratégiques, pour lesquels les compétences sont aujourd’hui trop rares. Elle permet pour leur part aux universitaires de travailler avec des moyens accrus, sur des sujets à la frontière des savoirs.
 
Des règles du jeu très instables

Les projets de recherche en cours sont très diversifiés. Le développement des micro-satellites, parfois pas plus grands que des timbres postes, qui circulent en orbite basse ou moyenne, pose des problèmes nouveaux. Quelles règles construire ? Concernant la prolifération des déchets spatiaux, comment inciter les différents acteurs à agir ? Quels financements imaginer ?

Concernant les satellites d’observation et de localisation, quelle chaîne de responsabilités en cas de mauvaise intégrité du signal ou d’envoi de données erronées ? Quel rôle pour la défense dans le développement de la nouvelle industrie ? Quel règlement des différends dans un contexte où les objets spatiaux sont inaccessibles à l’homme, et où les informations reposent sur des données recueillies au sol ? Quelles leçons tirer de la multiplication des lois spatiales ? Quelle gouvernance possible dans un univers de plus en plus concurrentiel et instable ?

 

Lucien Rapp

Photo
Photo
Professeur de droit public, vice-président de l’université chargé de la recherche, Lucien Rapp est depuis 2014 le directeur scientifique de la chaire industrielle SIRIUS (Space Institute for Research on Innovative Uses of Satellites), financée par le CNES, Airbus Defence and Space et Thalès Alenia Space.

 

La chaire Sirius

Une chaire de recherche en sciences sociales au service des industries spatiales européennes.
 
 

Pour en savoir plus

Le site internet de la chaire Sirius
 

En appuyant sur le bouton "j'accepte" vous nous autorisez à déposer des cookies afin de mesurer l'audience de notre site. Ces données sont à notre seul usage et ne sont pas communiquées.
Consultez notre politique relative aux cookies