Wanda Mastor, professeur de droit public, était membre de la commission Jospin pour la moralisation de la vie publique. Elle explique pourquoi le non-cumul des mandats -une des propositions phare - peine à s’imposer.
10 avril 2013
Pourtant, ce qui relève de la simple déontologie et de la protection d’éventuels conflits d’intérêts sur le terrain, a fait l’effet d’une véritable révolution culturelle dans notre pays où 82 % des députés et 77 % des sénateurs sont en situation de cumul.
Cette situation n’a pas d’équivalent dans le paysage européen.
Un risque politique : des démissions en cascade
Aujourd’hui, je continue de penser qu’il s’agit d’une réforme majeure, Mais, nous devons malheureusement nous faire à l’idée que celle-ci n’interviendra pas avant 2017, au mieux.
Même s’il n’est que consultatif, l’avis donné par le Conseil d’Etat a largement rebattu les cartes. L’interdiction du cumul des mandats ne sera pas rétroactive et ne pourra donc pas s’appliquer aux mandats en cours. Cet avis préconise de fait, un report de l’application de la réforme à 2017, date de fin de mandat des actuels députés.
Pourquoi un tel délai ? Au-delà des questions de constitutionnalité, ce sont les démissions de parlementaires cumulards que craint le gouvernement, et la nécessité d’élections anticipées qui pourraient fragiliser la majorité.
Sur le fond, la vraie question est aussi ailleurs : c’est celle du risque pour un élu de se retrouver sans ressources suffisantes en cas de non réélection à la fin d’un mandat s’il ne répartit pas les risques en multipliant les mandats.
Un nouveau statut
Remédier à ce problème aurait sans doute nécessité de modifier le statut des élus pour le rendre plus protecteur, avant de s’attaquer au cumul des mandats, ce que la commission Jospin ne pouvait malheureusement entreprendre dans le délai de réflexion qui lui était imparti.
Notre proposition devrait donc aboutir, mais de manière partielle. Le projet de loi constitutionnelle, présenté en Conseil des Ministres le 13 mars dernier, pour limiter les cumuls de fonctions ministérielles et de mandats exécutifs locaux, va nécessiter un vote en termes identiques par les deux assemblées puis un vote à une majorité des 3/5ème des deux chambres réunies en Congrès. Ce dernier n’est pas acquis mais plausible. Il appartient au chef de l’Etat d’éventuellement choisir le recours au référendum. Pour l’interdiction du cumul des mandats parlementaires et des mandats locaux, en revanche, rien n’est aujourd’hui gagné.
C’est décevant au moment où la classe politique réclame de manière unanime une moralisation de la vie publique. La commission Jospin avait fourni un travail important sur ce thème, dont le gouvernement pourrait tirer davantage parti.