À peine votée, déjà enterrée ?
Votée le 3 mars 2015, une loi sanctionne les industriels qui fabriquent des objets à durée de vie limitée. Mais elle sera très difficile à appliquer estiment Gérard Jazottes et Marie-Pierre Blin-Franchomme.
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Qui n’a jamais été exaspéré par une cafetière ou un portable qui rendaient l’âme au bout de quelques mois ? Un lave-linge ou une télévision dernier cri, victimes d’une panne irréparable ? Derrière ces ratés, les industriels sont fréquemment montrés du doigt, soupçonnés de concevoir sciemment des objets à la durée de vie limitée dans le temps : c’est l’obsolescence programmée.

La loi relative à la transition énergétique pour une croissance verte, votée le 3 mars 2015, définit très précisément l’obsolescence programmée dans son article 22 et ambitionne de mettre fin à ces pratiques abusives.
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" L’obsolescence programmée se définit par tout stratagème par lequel un bien voit sa durée de vie sciemment réduite dès sa conception, limitant ainsi la durée d’usage pour des raisons de modèle économique. "

Ce délit sera désormais puni d’une peine de deux ans d’emprisonnement et de 300 000€ d’amende. " C’est un signal fort ! " qualifie Gérard Jazottes, vice-président de l’Université Toulouse Capitole et membre du Centre de droit des affaires.  " Le législateur souhaite mettre fin à ces pratiques, mais la mise en œuvre de cette disposition pénale risque d’être compliquée, car la faute de l’industriel sera difficile à prouver ".
 
Comment prouver ?

Comment démontrer en effet que l’obsolescence a bel et bien été programmée ? " Cela supposera de prouver la faute pénale ", estime Marie-Pierre Blin maître de conférences au Centre de droit des affaires. " C’est-à-dire qu’une pièce fragile a été sciemment utilisée au départ par le fabricant pour que le modèle tombe en panne et que les gens en achètent un nouveau… cela risque d’être compliqué " pointe-t-elle. Voilà qui éloigne déjà, le risque de sanction pour les industriels… Au risque peut-être d’enterrer rapidement cette nouvelle loi !

En matière de consommation, néanmoins, la loi Hamon, votée en mars 2014, complétait l’arsenal législatif préexistant. En effet, elle oblige les industriels à fournir une meilleure information aux consommateurs sur la durée de disponibilité des pièces détachées, pour tous les produits achetés à partir du 1er mars 2015. Elle prévoit aussi que la période de garantie légale soit étendue de six mois à deux ans pour l’ensemble des biens de consommation.

La loi impose aussi aux industriels un affichage environnemental qui renseigne sur le coût global d’un produit de sa conception jusqu’à son recyclage.
 
La responsabilité des consommateurs

Globalement, le but est de mettre l’accent sur la responsabilité sociale du consommateur et d’en finir avec le système linéaire de l’économie qui consiste à extraire, fabriquer, consommer et jeter.
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La loi cherche au contraire à favoriser la réutilisation, le recyclage et lorsque c’est possible la valorisation des déchets. Un point de vue déjà défendu par le Conseil Economique Social et Environnemental, dans un avis rendu en juillet 2014. " Le développement de l’économie circulaire nécessite une impulsion politique et un soutien des initiatives ponctuelles pour en tirer l’expérience permettant d’en faire des pistes durables. (…) Il s’agit d’un véritable enjeu industriel et territorial ", indiquait le CESE.

C’est l’encouragement à une consommation participative en somme qui suppose non plus d’acheter systématiquement, mais plutôt de louer, d’échanger et de prêter quand c’est possible. Un retour aux bons vieux réflexes solidaires…

Gérard Jazottes

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Vice-président de l’Université Toulouse Capitole, Gérard Jazottes est professeur des universités en droit privé et sciences criminelles, enseignant-chercheur au Centre de droit des affaires. Il a publié " Entreprise et développement durable, approche juridique pour l’acteur économique du XXIè siècle " avec Marie-Pierre Blin-Franchomme, Isabelle Desbarats et Virginie Vidalens, (Lamy,2011).

Marie-Pierre Blin-Franchomme

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Maître de conférences en droit privé et sciences criminelles, Marie-Pierre Blin-Franchomme effectue ses recherches au sein du Centre de droit des affaires. Elle a publié notamment " Le marché de la consommation durable : regards sur la loyauté des pratiques commerciales. " (Lexis Nexis, 2012).


Eclairer le consommateur

L’affichage environnemental aide les consommateurs à choisir des produits en fonction de leur impact sur la planète.

 


Pour aller plus loin


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